vendredi 17 avril 2015

Les murs de l’incompréhension

J’ai toujours pensé que l’usage de la force était la manière de masquer une grande faiblesse. Quand j’analyse le comportement des bipèdes qui l’utilisent sur ma petite planète bleue, force est de constater que les grands idéaux issus de la Révolution française sont loin de les habiter. Liberté, égalité, fraternité. Trois réalités absentes dans la vie de ces barbares.

Que puis-je faire quand un fusil est braqué sur ma tempe? Toute tentative de dialogue est impossible. On veut me dominer, me soumettre, me faire disparaître. En 2023, il semble impossible de s’asseoir autour d’un café et d’échanger calmement dans le respect sur notre vision du monde, de la réalité humaine.

Pour amener un fanatique, un dominateur à dialoguer, il lui faudrait faire tout un saut en hauteur. Accepter de remettre en question sa vision du monde, son héritage familial et culturel. Cela ne se fait pas en cinq minutes. J’ai vécu à une certaine époque dans un certain carcan qui m’avait amené dans des directions totalement opposées à mes aspirations véritables. Cela a pris des années à me libérer par toute une démarche intérieure.

Malheureusement, je vois tous les jours les vestiges de ce manque de dialogue véritable. Pour être certain d’éviter à tout jamais le contact, on érige des murs. Pensez à celui qu’on a construit entre Israël et la Palestine ou celui qui séparait Berlin à l’époque de la guerre froide. Que dire du mur que Trump avait voulu construire pour séparer les USA du Mexique? Comme touriste, on va visiter le mur d’Hadrien et la Grande Muraille de Chine. Pensez à toutes ces villes fortifiées où il fallait passer obligatoirement par une ou des portes afin de contrôler.


Plus proche de notre réalité quotidienne, il y a ces refuges dans le silence, dans la consommation, dans les évasions multiples. Combien de personnes âgées se sentent emmurées dans ces résidences où elles se sentent parquées. Je pourrais écrire encore des pages sur ce sujet. Je me contente d’affirmer que l’humanisme ne brille pas fort dans le ciel de notre petite planète bleue. 

Et si je continuais à écrire, je vous dirais mon profond écoeurement devant ces milliards qu'on consacre à l'armée et dire que des millions d'Africains crèvent de faim au moment où j'écris ces lignes.

lundi 30 mars 2015

Désir et souffrance

En coupant mes légumes, j’écoutais Catherine Major chanter que son cœur est une lame mal aiguisée. Il y a de ces jours où j’aimerais qu’une lame coupe toutes les résistances qui empêchent mon cœur d’aimer la vie tout simplement. Comment y parvenir sans tomber dans l’ataraxie, cette absence de trouble dans l’âme. Trouver une quiétude, une tranquillité de l’esprit  pour ne plus être troublé par les aléas du destin, voilà la sagesse qui devrait aiguiser le septuagénaire que je suis.

Hélas, ce n’est pas ainsi que se tricote ma vie. Je suis balloté entre le désir et la souffrance. À mesure que les années passent, je me rends compte que la véritable sagesse, celle que ma condition humaine m’invite à accepter et à intégrer ne peut éluder ce va et vient entre le désir et la souffrance. Il y a une grave illusion à vouloir évacuer la souffrance à tout prix. C’est une purgation  impossible à administrer.

Quand je pédale sur mon vélo stationnaire dans l’unique but de me garder en santé, je souffre inévitablement. Il y a dans cet exercice une routine assommante et si je ne mets pas un peu de musique pour accompagner le tout, la torture est encore plus évidente. Si je m’astreins à pédaler, c’est que le désir est là pour me souffler à l’oreille que c’est bon pour ma survie.

Il m’est arrivé ces dernières années de me rendre en Floride pour fuir l’hiver québécois. Quelle souffrance interminable que ce long trajet pour assouvir mon désir de soleil. Je dois me rendre à l’évidence que supprimer le désir, c’est supprimer la souffrance.


Je pourrais multiplier les exemples prouvant que ce couple désir-souffrance fait partie de notre condition humaine. J’oublie mes  tentatives d’atteindre le nirvana, de voir le désir comme un ennemi, de vouloir écarter la souffrance. Je suis un humain et la sagesse m’ordonne d’intégrer ce couple.

lundi 23 mars 2015

L’impératif romantique

Dans une certaine enfance lointaine, ma vie se conjuguait à l’impératif présent. On me disait sans détour comment vivre ma vie. Si j’avais écouté ces sirènes de la mort, je n’aurais eu qu’à suivre un chemin bordé selon les façons de faire de la famille, de l’école, de l’église, de la société occidentale. Cette approche rationnelle, mécanique, matérialiste beurrée à la sauce religieuse ne pouvait conduire l’être sensible que j’étais qu’au désenchantement.

Au plus profond de moi-même, je sentais un impératif romantique qui ne demandait qu’à éclore, qu’à colorer toute mon existence. Cela signifiait pour moi une vision authentique du monde. Je ne pouvais m’assujettir à une vision quantifiable de la vie d’où ma fascination pour ces héros qui voulaient changer le monde.

Quand je regarde ce monde actuel où l’argent a une si grande importance, je me désenchante de ce monde où seules les valeurs comptables comptent. Cette modernité marchande m’horripile au plus haut point. Ce qu’il y a de beau dans le romantisme, c’est cette conception de la vie, de la mort, de l’amitié, de la nature éloignée de tout ce qui est mécanique et prévisible. Assis sur le bord de ma rivière Chaudière, je peux passer des heures à voir la nature autrement. Cette attitude de mon être qui contemple la nature est pour moi à ce moment-là le réel absolu.

Je sais que la logique productiviste du capitalisme m’encercle de partout. Je ne puis m’empêcher de me rendre compte que ma société est axée sur la poursuite du profit, de la consommation et du confort matériel. Cependant, il est évident que la qualité devrait l’emporter sur la quantité, la fraternité sur la seule recherche du profit. Au plus profond de moi-même, je réalise que je suis seul dans l’immensité indifférente de l’Univers. Je me dois de choisir la voie qui permet à mon être de s’épanouir. Personne ne peut m’empêcher de contempler la beauté profonde de l’être humain, de la nature qui m’entoure. Si c’est cela être religieux, cette capacité de saisir ce qui échappe à notre compréhension et ce qui nous laisse entrevoir indirectement quelque chose de plus grand, cela me suffit pour donner un sens à ma vie de terrien.


En contemplant mes fleurs, en écoutant la musique de Mozart, en scrutant les profondeurs d’un ciel étoilé, le romantique que je suis aura repoussé une fois de plus ces nuages de désenchantement d’un monde où le quantifiable compte beaucoup trop.

lundi 16 mars 2015

Un processus sans fin

Il m’arrive parfois de vouloir me reposer temporairement et même définitivement. Je conviens que c’est une grande illusion. Je m’empresse d’éloigner cette envie folle d’un repos éternel. Je vais entrer bientôt dans le quatrième âge. Est-ce dire que les expériences de vie sont comme les piles qu’on nous demande de changer à chaque fois qu’on avance ou on recule l’heure?

Être de plus en plus soi-même est un processus sans fin. Impossible d’affirmer à moins de se moquer que j’ai atteint l’état de totalité. À me voir aller chaque jour à m’alimenter, à dormir, à respirer et à jadis me reproduire, force est de constater que ces besoins physiologiques sont incontournables. Je reconnais dans ces besoins toute la dimension animale de mon être. Veiller sur ma santé et sur mes biens fait partie de l’angoisse sécuritaire de tout être. Inutile de s’attarder sur cette évidence.

Vous brûlez d’envie de me parler de mon besoin d’amour, d’amitié, de vie familiale. Oui, je conviens que cela fait partie de mon identité en tant qu’espèce revendiquant une bonne dose d’humanité. Vous auriez pu aussi souligner mon besoin d’estime, de respect et de confiance de soi. Je n’insisterai pas assez sur ce qui relève de la créativité, de l’agir humain, de la vie intérieure.

Si on parle de bonheur, je me dois d’aller dans des zones personnelles. Je ne bois plus à ces eaux religieuses, sources de tant de conflits et de discorde au cours des siècles. Je me dois d’aligner mon être dans la verticalité et non plus dans cette horizontalité où on cherche une pseudo-sécurité dans les faits, gestes et croyances grégaires.

Si nous allons découvrir un peu plus l’origine de notre petite planète grâce à l’exploration de la planète naine Cérès, je me dois d’oublier ces idées obscurantistes que l’origine de notre planète est la création d’un quelconque dieu. Je suis donc laissé à moi-même et j’en suis fort aise.

M’occuper de mon propre développement, développer une plus grande individuation, voilà la tâche sublime de tout bipède humain. Laissons aux autres le futile débat sur l’existence ou non de Dieu et occupons-nous de cultiver notre propre jardin. Ah, Voltaire, comme tu me manques!

mardi 3 mars 2015

La quête de sens

Une grave question existentielle s’amène pour le pauvre mortel que je suis. On me dira d’aller vaquer à mes occupations quotidiennes et de délaisser ces cogitations qui troublent mon esprit. Déneiger ma cour, faire des emplettes, m’activer sur mon vélo stationnaire, tout cela devrait calmer mon angoisse existentielle. Solutions trop faciles et peu convaincantes pour le Scorpion que je suis.

Et cette question? C’est celle du sens de la vie. Puis-je escamoter cette grave question? Je ne puis pas vivre sans trouver le sens de ma vie sur la terre. Qui suis-je? D’où viens-je? Où vais-je? Je ne suis pas le premier à me poser ces trois grandes questions. Tous ceux et celles qui se sont penchés sur la condition humaine ne peuvent avoir éludé ce questionnement.

Mes trente premières années ont été teintées par la philosophie et la théologie. Je dois vous confesser que je n’ai pas trouvé de réponses satisfaisantes chez les philosophes et les théologiens. Avec le recul, je constate qu’on me servait des réponses toutes faites voire souvent simplistes. Ce n’est pas en me roucoulant le fameux « Connais-toi toi-même » que je suis plus avancé. Et que dire du célèbre « être ou ne pas être, telle est la question ». Impossible d’avoir une réponse plus nébuleuse. Et mon professeur de métaphysique qui me parlait de l’être en tant qu’être. C’est d’un ridicule consommé. Et Pascal incapable de se brancher avec son pari. Autant avouer qu’il n’avait aucune réponse à donner.

Je sais que le chemin pour arriver à trouver une réponse à ces questions n’est pas unique. Je ne peux pas me contenter des réponses toutes faites issues de ma famille, du monde de l’éducation, des religions, des philosophies, du milieu culturel dans lequel je baigne. Je suis laissé à moi-même. Cela veut dire qu’il me faut entreprendre une démarche intérieure, qu’il faut trouver mes propres réponses. C’est le chemin à prendre. C’est ce qui est le plus important.

N’attendez pas de moi une belle réponse toute faite. Chacun a à trouver un sens à sa vie. Cela implique une démarche intérieure. Comme l’écrivait si bien Dostoïevski, ce n’est pas le but qui compte, mais le chemin vers le but.

Justement ce chemin peut comporter des quêtes successives.  Durant mon enfance, mon adolescence et le début de ma vie adulte, le sens de ma vie tournait autour d’un absolu à atteindre qui s’est concrétisé par ces années jésuitiques. Je me suis aperçu que cet absolu envisagé était une fumisterie. Je trouvai alors un sens plus concret à donner à ma vie ce qui m’amena à fonder une famille et à me consacrer à enseigner aux jeunes.


Maintenant que je suis sur le point d’entrer dans le quatrième âge, je dois reconfigurer un nouveau sens à donner à ma vie. La vieillesse et l’approche de la mort. Je vois mes amis, mes parents, des connaissances quitter ce bas monde. Impossible de jouer à l’autruche et de me faire accroire que je serai épargné. Il faut trouver à l’intérieur de moi-même une façon de régénérer ce qui dégénère. Cela veut dire entrer encore plus à l’intérieur de moi-même pour trouver un équilibre qui amènera un certain bonheur malgré tous les drames dont je suis témoin.

mardi 24 février 2015

Le bonheur n’a pas d’âge

En coupant des légumes lors d’une journée pluvieuse, j’ai demandé à mes neurones d’aborder ce sujet très existentiel qu’est le bonheur. Il faut dire que je sortais d’une pénible crise streptocoque,  ma gorge étant ravagée par un ensemble de microorganismes ubiquitaires. Je trouvai alors le moment idéal pour réfléchir non pas sur le malheur qui me terrassait, mais sur son contraire.

Si je fais un retour dans le temps, force est de constater que mon bonheur enfantin n’est pas celui d’aujourd’hui. Explorer une flaque d’eau quand on a 4 ans est un plaisir bonheurial immense. Courir après un papillon, entendre croasser une grenouille, contempler un cochon se prélasser dans la vase : du pur bonheur.

À l’adolescence, le bonheur devient quelque chose de plus compliqué. D’ailleurs, tout est compliqué à cet âge. Je crois qu’une journée de tempête où on annonçait que toutes les écoles étaient fermées était le nec plus ultra du bonheur.

Mais ne nous égarons pas et revenons à la faune enseignante à laquelle j’appartiens. Voir la réussite scolaire de nos jeunes était une source de bonheur immense. Faire reculer les murs de l’ignorance, rendre verte son école absente de fumée : du scolaire bonheur.

Mais je m’égare. Je veux réfléchir sur cette période où la plupart de ceux et celles qui lisent ces lignes sont embarqués dans le fameux TVG qui les amène au terminus final. Y a-t’il encore place pour le bonheur? Est-ce une perte de temps? Nous sommes tellement occupés dans la vie active ou à la retraite que je me demande pourquoi on perdrait du temps à se demander si le bonheur nous habite.

En regardant le ciel étoilée la nuit dernière, je me suis dit qu’il n’y avait rien de plus important que de posséder, à l’intérieur de soi, le bonheur qui donne tellement un sens à notre trajectoire de fin de vie. Je crois que chacun a sa propre potion de bonheur. Ce parfum bonheurial qui est à quelque part en nous, qui est indéfinissable, qu’on ressent parfume et transcende tout. Tout peut s’écrouler autour de nous, tout ce qu’on ne peut pas contrôler, la seule chose qui compte, c’est ce parfum qui aromatise notre vie. Si l’amour fleurit dans le jardin de notre existence, nous vivons alors la totale.

lundi 16 février 2015

L’illusion d’être ailleurs

Habiter son présent est plus facile à écrire qu’à pratiquer dans sa mortelle vie. Sans toujours être ailleurs physiquement nos pensées nous mènent par le bout du nez vers des lieux étranges. Parfois ces pensées nous ramènent dans notre passé sélectionnant souvent les moments les moins glorieux de notre éphémère existence. En d’autres moments, ces pensées nous jettent littéralement dans des zones étrangères ou futures qui sont inatteignables.

Pour peu qu’on s’arrête, on se rend vite compte que ce temps si précieux dans nos vies est perdu inutilement à faire tourner ces moulins à vent imaginaires.

Seul l’instant présent à vivre dans la pleine conscience compte. C’est en pédalant sur mon vélo stationnaire que je me suis rendu compte que chaque coup de pédale m’amenait plus loin dans la compréhension de mon être que toutes ces pensées futiles qui empêchent d’enfourcher pour de bon les instants de vie si précieux pour le bipède humain.

Il fut une époque dans ma naïve vie où je voulais sauver le monde. Probablement que des pensées de ce genre m’avaient été insufflées par d’autres êtres aussi naïfs que moi. La vie me fit comprendre qu’avant de changer le monde, les autres, il fallait commencer par me changer moi-même, m’attaquer à la tâche sublime de la connaissance de soi et d’agir en conséquence.

Si chacun entreprenait la révolution nécessaire de se transformer intérieurement, il ne se battrait pas contre les moulins à vent qui nous font croire qu’on peut changer facilement la structure sociale. Je n’ai rien contre l’idéalisme, mais bien des …ismes nous ont mené nulle part : communisme, socialisme, capitalisme, catholicisme, épicurisme, etc.

Si cela va si mal sur la planète, c’est que l’individu n’a pas compris que la révolution doit commencer à l’intérieur de lui-même. Arrêter de se faire mener par le bout du nez par tout ce qui est extérieur à soi-même. Je remarque autour de moi cette tendance à chercher un autre individu pour résoudre ses propres problèmes. Quelle illusion!