lundi 30 mars 2015

Désir et souffrance

En coupant mes légumes, j’écoutais Catherine Major chanter que son cœur est une lame mal aiguisée. Il y a de ces jours où j’aimerais qu’une lame coupe toutes les résistances qui empêchent mon cœur d’aimer la vie tout simplement. Comment y parvenir sans tomber dans l’ataraxie, cette absence de trouble dans l’âme. Trouver une quiétude, une tranquillité de l’esprit  pour ne plus être troublé par les aléas du destin, voilà la sagesse qui devrait aiguiser le septuagénaire que je suis.

Hélas, ce n’est pas ainsi que se tricote ma vie. Je suis balloté entre le désir et la souffrance. À mesure que les années passent, je me rends compte que la véritable sagesse, celle que ma condition humaine m’invite à accepter et à intégrer ne peut éluder ce va et vient entre le désir et la souffrance. Il y a une grave illusion à vouloir évacuer la souffrance à tout prix. C’est une purgation  impossible à administrer.

Quand je pédale sur mon vélo stationnaire dans l’unique but de me garder en santé, je souffre inévitablement. Il y a dans cet exercice une routine assommante et si je ne mets pas un peu de musique pour accompagner le tout, la torture est encore plus évidente. Si je m’astreins à pédaler, c’est que le désir est là pour me souffler à l’oreille que c’est bon pour ma survie.

Il m’est arrivé ces dernières années de me rendre en Floride pour fuir l’hiver québécois. Quelle souffrance interminable que ce long trajet pour assouvir mon désir de soleil. Je dois me rendre à l’évidence que supprimer le désir, c’est supprimer la souffrance.


Je pourrais multiplier les exemples prouvant que ce couple désir-souffrance fait partie de notre condition humaine. J’oublie mes  tentatives d’atteindre le nirvana, de voir le désir comme un ennemi, de vouloir écarter la souffrance. Je suis un humain et la sagesse m’ordonne d’intégrer ce couple.

lundi 23 mars 2015

L’impératif romantique

Dans une certaine enfance lointaine, ma vie se conjuguait à l’impératif présent. On me disait sans détour comment vivre ma vie. Si j’avais écouté ces sirènes de la mort, je n’aurais eu qu’à suivre un chemin bordé selon les façons de faire de la famille, de l’école, de l’église, de la société occidentale. Cette approche rationnelle, mécanique, matérialiste beurrée à la sauce religieuse ne pouvait conduire l’être sensible que j’étais qu’au désenchantement.

Au plus profond de moi-même, je sentais un impératif romantique qui ne demandait qu’à éclore, qu’à colorer toute mon existence. Cela signifiait pour moi une vision authentique du monde. Je ne pouvais m’assujettir à une vision quantifiable de la vie d’où ma fascination pour ces héros qui voulaient changer le monde.

Quand je regarde ce monde actuel où l’argent a une si grande importance, je me désenchante de ce monde où seules les valeurs comptables comptent. Cette modernité marchande m’horripile au plus haut point. Ce qu’il y a de beau dans le romantisme, c’est cette conception de la vie, de la mort, de l’amitié, de la nature éloignée de tout ce qui est mécanique et prévisible. Assis sur le bord de ma rivière Chaudière, je peux passer des heures à voir la nature autrement. Cette attitude de mon être qui contemple la nature est pour moi à ce moment-là le réel absolu.

Je sais que la logique productiviste du capitalisme m’encercle de partout. Je ne puis m’empêcher de me rendre compte que ma société est axée sur la poursuite du profit, de la consommation et du confort matériel. Cependant, il est évident que la qualité devrait l’emporter sur la quantité, la fraternité sur la seule recherche du profit. Au plus profond de moi-même, je réalise que je suis seul dans l’immensité indifférente de l’Univers. Je me dois de choisir la voie qui permet à mon être de s’épanouir. Personne ne peut m’empêcher de contempler la beauté profonde de l’être humain, de la nature qui m’entoure. Si c’est cela être religieux, cette capacité de saisir ce qui échappe à notre compréhension et ce qui nous laisse entrevoir indirectement quelque chose de plus grand, cela me suffit pour donner un sens à ma vie de terrien.


En contemplant mes fleurs, en écoutant la musique de Mozart, en scrutant les profondeurs d’un ciel étoilé, le romantique que je suis aura repoussé une fois de plus ces nuages de désenchantement d’un monde où le quantifiable compte beaucoup trop.

lundi 16 mars 2015

Un processus sans fin

Il m’arrive parfois de vouloir me reposer temporairement et même définitivement. Je conviens que c’est une grande illusion. Je m’empresse d’éloigner cette envie folle d’un repos éternel. Je vais entrer bientôt dans le quatrième âge. Est-ce dire que les expériences de vie sont comme les piles qu’on nous demande de changer à chaque fois qu’on avance ou on recule l’heure?

Être de plus en plus soi-même est un processus sans fin. Impossible d’affirmer à moins de se moquer que j’ai atteint l’état de totalité. À me voir aller chaque jour à m’alimenter, à dormir, à respirer et à jadis me reproduire, force est de constater que ces besoins physiologiques sont incontournables. Je reconnais dans ces besoins toute la dimension animale de mon être. Veiller sur ma santé et sur mes biens fait partie de l’angoisse sécuritaire de tout être. Inutile de s’attarder sur cette évidence.

Vous brûlez d’envie de me parler de mon besoin d’amour, d’amitié, de vie familiale. Oui, je conviens que cela fait partie de mon identité en tant qu’espèce revendiquant une bonne dose d’humanité. Vous auriez pu aussi souligner mon besoin d’estime, de respect et de confiance de soi. Je n’insisterai pas assez sur ce qui relève de la créativité, de l’agir humain, de la vie intérieure.

Si on parle de bonheur, je me dois d’aller dans des zones personnelles. Je ne bois plus à ces eaux religieuses, sources de tant de conflits et de discorde au cours des siècles. Je me dois d’aligner mon être dans la verticalité et non plus dans cette horizontalité où on cherche une pseudo-sécurité dans les faits, gestes et croyances grégaires.

Si nous allons découvrir un peu plus l’origine de notre petite planète grâce à l’exploration de la planète naine Cérès, je me dois d’oublier ces idées obscurantistes que l’origine de notre planète est la création d’un quelconque dieu. Je suis donc laissé à moi-même et j’en suis fort aise.

M’occuper de mon propre développement, développer une plus grande individuation, voilà la tâche sublime de tout bipède humain. Laissons aux autres le futile débat sur l’existence ou non de Dieu et occupons-nous de cultiver notre propre jardin. Ah, Voltaire, comme tu me manques!

mardi 3 mars 2015

La quête de sens

Une grave question existentielle s’amène pour le pauvre mortel que je suis. On me dira d’aller vaquer à mes occupations quotidiennes et de délaisser ces cogitations qui troublent mon esprit. Déneiger ma cour, faire des emplettes, m’activer sur mon vélo stationnaire, tout cela devrait calmer mon angoisse existentielle. Solutions trop faciles et peu convaincantes pour le Scorpion que je suis.

Et cette question? C’est celle du sens de la vie. Puis-je escamoter cette grave question? Je ne puis pas vivre sans trouver le sens de ma vie sur la terre. Qui suis-je? D’où viens-je? Où vais-je? Je ne suis pas le premier à me poser ces trois grandes questions. Tous ceux et celles qui se sont penchés sur la condition humaine ne peuvent avoir éludé ce questionnement.

Mes trente premières années ont été teintées par la philosophie et la théologie. Je dois vous confesser que je n’ai pas trouvé de réponses satisfaisantes chez les philosophes et les théologiens. Avec le recul, je constate qu’on me servait des réponses toutes faites voire souvent simplistes. Ce n’est pas en me roucoulant le fameux « Connais-toi toi-même » que je suis plus avancé. Et que dire du célèbre « être ou ne pas être, telle est la question ». Impossible d’avoir une réponse plus nébuleuse. Et mon professeur de métaphysique qui me parlait de l’être en tant qu’être. C’est d’un ridicule consommé. Et Pascal incapable de se brancher avec son pari. Autant avouer qu’il n’avait aucune réponse à donner.

Je sais que le chemin pour arriver à trouver une réponse à ces questions n’est pas unique. Je ne peux pas me contenter des réponses toutes faites issues de ma famille, du monde de l’éducation, des religions, des philosophies, du milieu culturel dans lequel je baigne. Je suis laissé à moi-même. Cela veut dire qu’il me faut entreprendre une démarche intérieure, qu’il faut trouver mes propres réponses. C’est le chemin à prendre. C’est ce qui est le plus important.

N’attendez pas de moi une belle réponse toute faite. Chacun a à trouver un sens à sa vie. Cela implique une démarche intérieure. Comme l’écrivait si bien Dostoïevski, ce n’est pas le but qui compte, mais le chemin vers le but.

Justement ce chemin peut comporter des quêtes successives.  Durant mon enfance, mon adolescence et le début de ma vie adulte, le sens de ma vie tournait autour d’un absolu à atteindre qui s’est concrétisé par ces années jésuitiques. Je me suis aperçu que cet absolu envisagé était une fumisterie. Je trouvai alors un sens plus concret à donner à ma vie ce qui m’amena à fonder une famille et à me consacrer à enseigner aux jeunes.


Maintenant que je suis sur le point d’entrer dans le quatrième âge, je dois reconfigurer un nouveau sens à donner à ma vie. La vieillesse et l’approche de la mort. Je vois mes amis, mes parents, des connaissances quitter ce bas monde. Impossible de jouer à l’autruche et de me faire accroire que je serai épargné. Il faut trouver à l’intérieur de moi-même une façon de régénérer ce qui dégénère. Cela veut dire entrer encore plus à l’intérieur de moi-même pour trouver un équilibre qui amènera un certain bonheur malgré tous les drames dont je suis témoin.